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Lettre C

1. « Ça peut le faire », « ça le fait »

Origine obscure : peut-être dérivé de « cela peut se faire » ou de « on peut faire cela » ou encore, souvenir d'un lointain passé d'humour façon Pierre Dac : « Peut-il le faire ? » Réponse : « Il peut le faire ! » Sens courant : « c'est possible » ou « je ne vois pas pourquoi on n'y arriverait pas ». Mais on ne sait toujours pas qui est « ça » ! A moins d’être très « branché » psychanalyse (le Ça peut faire un tas de choses bizarres). D’ailleurs qui - ou quoi - est ce « le » ?

En 1957, Pierre Dac et Francis Blanche créent Le Sâr Rabindranath Duval. En 1960, on entend sur Europe 1, les répliques suivantes : « Votre sérénité, pouvez-vous me dire quel est le numéro du compte en banque de Monsieur ? », dit Francis Blanche en désignant un spectateur dans la salle. « Oui », répond Pierre Dac, le Sâr. « Vous pouvez le dire ? » « Oui ! » « Vous pouvez le dire ??? » « Oui !!! » « Il peut le dire ! Bravo ! Il est vraiment sensationnel ! ».

Faut-il en conclure que « ça » est un dérivé de "Sâr" et que chaque fois qu'on dit « ça peut le faire » on rend un hommage à Pierre Dac : « Sâr peut le faire » ? J'aimerais bien.


2. Cap (garder le, tenir le)

Se dit, en principe, à bord d'un bateau, quand le capitaine demande au pilote (celui qui tient le gouvernail) de « garder le cap », c'est-à-dire de maintenir la course du bateau dans la même direction, éventuellement malgré les intempéries.

Une bonne partie des chefs d'État (Français) récents confondent les rôles de l'armateur (celui qui "arme" un bateau en vue d'un commerce, d'une guerre, d'une exploration, etc.), du capitaine (mener le bateau à bonne destination) et celui du timonier (tenir le cap), peut-être parce qu'ils n'ont aucune idée ou des idées trop floues sur les fins poursuivies et sur les destinations possibles. En ce cas, il n'y a plus de capitaine (ah si ! C'est peut-être le peuple, au nom duquel on gouverne) et le navire vogue au gré des vents et des courants.

Cela dit, il existe des méthodes pour garder le cap, que nous livre gratuitement le mensuel Psychologies, qui laisse la parole à trois coaches (voir coaching) : écouter son corps, redevenir actif, demander de l'aide, réviser son plan d'action, parler positif pour penser positif, reprendre depuis le début. C'est sans doute la « feuille de route » d'un robot relativement compliqué ou d'un humain faible d'esprit.


3. « Capabilité » (au lieu de « capacité »).

Fait penser à culpabilité, probabilité, habileté, habilité, sociabilité.

La capabilité, parfois appelée capabilité processus ou capabilité machines, est une notion utilisée pour la maîtrise statistique des procédés et semble provenir de l'industrie automobile américaine (années 1970). On peut définir la capabilité d'un processus de production comme l'adéquation d'une machine ou d'un procédé à réaliser une performance demandée. Elle permet de mesurer la capacité d'une machine ou d'un procédé à réaliser des pièces dans l'intervalle de tolérance (défini par ses bornes inférieure et supérieure) mentionné dans le cahier des charges. (d'après Wikipédia)

Pour Amartya Sen (qui obtint, en 1998, le prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel, dit, par abus de langage, « prix Nobel d'économie »), qui l'a exporté de la métrologie, comme pour Martha Nussbaum, philosophe, qui exalte ce nouveau concept, la « capabilité » désigne la possibilité pour les individus de faire des choix parmi les biens qu’ils jugent estimables et de les atteindre effectivement. Les « capabilités » sont, pour eux, les enjeux véritables de la justice sociale et du bonheur humain. On pourrait penser que la justice fait appel à l'équitable, à l'égal, au droit commun, à l'accessibilité, etc. Non, tout cela est balayé par un mot-valise, employé en dehors de tout bon sens : la capabilité ! Qui n'est ni plus ni moins que la capacité à faire des choix, à s'y tenir et à profiter de leurs effets. Quel rapport avec la justice ? Peut-être y en a-t-il un avec « garder le cap » ? (voir ci-dessus). On peut dire aussi : « Fais voir tes capabilités ! » sur le ton : « fais voir si t'en as » (des couilles, c.-à-d. du courage).



4. Capital humain.

Encore une belle invention des économistes ou des sociologues ou des experts en management ou des directeurs des « ressources humaines ». Le « capital » humain est le complément du capital financier, du capital naturel (matières premières transformables), du capital industriel (capacités de transformation) et du capital informationnel (les ordres, régulations et transactions en tout genre). Il est la somme des capacités à utiliser les autres capitaux. Il est donc le capitaine (tête) des capitaux (principaux), l'en-tête de toutes les têtes. D'un autre côté - que soulignaient Karl Marx et Charles Chaplin - il n'est qu'un rouage d'une machine à fabriquer des capitaux dont les bénéficiaires sont des capitalistes, c'est-à-dire des cultivateurs de capitaux (comme on dit fleuriste, pianiste, écologiste, pompiste, archiviste, artiste, etc.)


5. « Care » (le) : au lieu de « soin »

Définition du care : « Activité caractéristique de l’espèce humaine, qui recouvre tout ce que nous faisons dans le but de maintenir, de perpétuer et de réparer notre monde, afin que nous puissions y vivre aussi bien que possible. Ce monde comprend nos corps, nos personnes et notre environnement, tout ce que nous cherchons à relier en un réseau complexe en soutien à la vie », (Joan Tronto, Un Monde vulnérable. Pour une politique du care, Éditions La Découverte, 2009). En français ordinaire on dira : prendre soin de, se soucier de, faire attention à – autant de nuances que le mot « care » rend en anglais. La définition ci-dessus en appauvrit singulièrement la portée : d’abord, beaucoup d’autres êtres vivants prennent soin de leurs congénères, voire d’autres espèces ; ensuite que veut dire « réparer le monde » ? Quel monde ? Et en quoi est-ce une « réparation » ? Le « care » est encore un produit d’importation, dont la teneur en capacité de soin n’est ni plus ni moins élevée que les pratiques de « soins » ordinaires… et extraordinaires. On parle aussi « d’éthique du care » pour ne dire rien de plus que : il vaut mieux être « avec » les autres que « contre » eux.


6. Centrale vapeur

« La centrale vapeur est équipée d’une chaudière fonctionnant à l’aide d’une résistance. Lorsque l’appareil est alimenté sur une prise secteur, cette dernière chauffe l’eau contenue dans la cuve. Une fois portée à ébullition, une vapeur se dégage, et c’est ce gaz qui est transféré au fer via un cordon. Cette vapeur, condensée à haute pression, sortira des trous de la semelle du fer au moment du repassage. Avec son effet, un seul coup de repassage suffit pour défroisser le linge, quelle que soit son épaisseur. » Rien à voir avec l’obsolète fer à repasser qui, lui aussi, produit de la vapeur mais n’est pas pourvu d‘une réserve d’eau d’un à deux litres, et ne fonctionne pas comme un mini-pressing. La centrale coûte trois ou quatre fois plus cher qu’un vulgaire fer à repasser. Elle n’est pas facile à transporter, puisque son volume est aussi trois ou quatre fois celui d’un fer à repasser. Bref, la centrale vapeur relègue le fer à repasser dans la low tech alors qu’elle très high tech. D’ailleurs elle est pleine de boutons et de clignotants. e qui remplit de fierté son propriétaire : il (ou elle) dirige une petite entreprise. C’est comme les cafetières électriques : il est devenu très difficile d’en trouver qui ne soit pas programmable.


7. « Change » (un monde qui)

C'est le slogan de la BNP-Paribas : « la banque d'un monde qui change ». C'est peu dire : en réalité nous changeons de monde (le terme « monde » signifiant sans doute changement de mode de vie, sur certains aspects). On trouve ceci sur site québécois : « tout au long de l’histoire, les êtres humains ont créé de nouveaux mondes. Actuellement, c’est ce qui se passe : nous basculons d’une société industrielle vers une société de la connaissance. » Car, bien entendu, nos ancêtres chasseurs-cueilleurs ou agriculteurs n’avaient que « peu » de connaissances : les variations climatiques, les caractéristiques précises des terrains, les associations de plantes, le maniement des outils et armes, tous les artisanats nécessaires à leur survie, l’emploi de nombreux symboles, etc. etc. Chaque individu disposait de beaucoup moins de « data » que n’importe qui, aujourd’hui, qui sait aller naviguer sur la Toile, mais utilisait bien plus de connaissances que la plupart des individus d’aujourd’hui vivant dans une grande ville. Relativement à l’utilisation des données (la connaissance EST cette utilisation), la plus grande partie de l’humanité est à présent plongée dans l’ignorance. Google Play disposait de 3,8 millions d’applications (fin 2019), mais la plupart des utilisateurs d’un smartphone ignorent les pièces qu’il contient, les programmes (logiciels) qui rendent possible son utilisation, les modes de transport des informations, etc. Ce qui n’empêche pas des milliards de gens de dire ou de penser « j’aime la technologie », sans avoir la moindre idée de que cette phrase signifie. Nous entrons, peut-être plus que jamais, dans une société de la méconnaissance ou de la pseudo-connaissance... concernant l'essentiel de notre vie collective.



8. « Chair à canon ». Il semble que cette expression a été utilisée pour la première fois par Chateaubriand dans son pamphlet : "De Bonaparte et des Bourbons", publié en 1814 : « On en était venu à ce point de mépris pour la vie des hommes et pour la France, d'appeler les conscrits la matière première et la chair à canon ». Au lieu qu’elle soit à présent bannie du vocabulaire civil et militaire, elle est employée tous les jours par des journalistes qui, croyant dénoncer une abomination ne font que la banaliser. On parle aussi de « soldat jetable » ou « à usage unique ». Chateaubriand ajoutait : « Accoutumés dès leur berceau à se regarder comme des victimes dévouées à la mort, les enfants n’obéissaient plus à leurs parents ; ils devenaient paresseux, vagabonds et débauchés, en attendant le jour où ils allaient piller et égorger le monde. » Avant de parler de « chair à canon » ou de « soldat jetable » on ferait mieux de se demander si on ne va pas rendre totalement abstrait ce qui détruit des gens (jeunes et moins jeunes) bien avant et bien après qu’ils soient identifiés comme « chair à canon ».



9. « Cisgenre »

Un sommet dans la bêtise mortifiante !

« Cisgenre : personne qui s’identifie au sexe qui lui a été assigné à la naissance. » (Télérama, « La fin du sexe », n° 3524, 26 juillet 2017, p. 15). Comme si le sexe était délivré sur ordonnance ou signifié par l'arbitraire d'un jury de sexologues, etc. Confus pour plusieurs raisons : le sexe n’est pas « assigné » à la naissance, il est constaté et, depuis quelques décennies, bien avant la naissance ; croire qu’il pourrait être « assigné » relève d’une vision religieuse ou magique : il suffirait de dire : « tu es homme ou femme » pour que ce soit (je ne peux m’empêcher de penser au baptême, qui assigne quelqu’un à une religion – et je pense que les deux procédés sont similaires) ; si un sexe était assigné à la naissance (en dépit du sexe biologique) ce serait un grave abus d’autorité concernant le nouveau-né. De plus, parler de Cisgenre pour qualifier une « personne qui s’identifie au sexe qui lui a été assigné à la naissance » est plutôt trompeur : l’identité n’est pas faite d’une particularité, mais d’un ensemble de différenciations, et la confusion de sexe (s’il y a lieu) n’est pas la confusion de genre. Les « Genders studies » - une véritable supercherie intellectuelle - ont permis de créer une nouvelle filière universitaire, des maisons d'éditions et des formes d'art, ainsi que des vêtements et parures « genrés » qui complètent les modes « tendance ». La plus vaste supercherie est d’avoir introduit ce vocabulaire du « genre » en français, s’ajoutant à « sexe » alors que le terme anglais « gender » se traduit précisément par « sexe ».


10. Coaching

Un coach est un tuteur universitaire ou un entraîneur sportif (en Grande-Bretagne au XIXe siècle). C’est devenu, depuis les années 1970, une méthode de « développement personnel », supposée résoudre les problèmes psychologiques rencontrés par des gens qui peuvent payer ce genre de service, qui n’exige aucune qualification. Le coach s’insinue dans l’intimité de celui qui le réclame, et lui sert (inconsciemment en général) de support parental qui va l’aider à orienter ses choix, ce qui lui permet d’éviter de fortes angoisses devant des choix difficiles. Être « coaché » c'est accepter d'être dirigé (drivé) par quelqu'un qui remplace les directeurs de conscience ou les astrologues, en faisant comme si chaque individu était une unité déliée (ou déconnectée) de toute autre, et n'avait besoin que de développer son « potentiel ». C'est nier toute société, toute association, tout compagnonnage, toute interrelation, toute communauté.

11. Collapsologie.

Du latin Collabor : tomber comme une masse, s'écrouler, tomber dans la débauche, s'effondrer. Encore un « truc » qui n'existe pas. On ne peut pas assembler en une seule science ou domaine d'étude ou champ de recherches, tous les types possibles d'effondrement. « Si on ne maîtrise pas les flux migratoires, on organise le collapse de notre système d'intégration », a estimé Nicolas Sarkozy. (L’intervention de Sarkozy en direct, 16 novembre 2010) C'est un barbarisme et de plus c'est faux : le « système d'intégration », comme dit l'ancien président de la République n'est pas une maison susceptible de s'effondrer ou un barrage qui risque de se fissurer ou tout autre bloc solide qui pourrait partir en morceaux. C'est un ensemble de politiques publiques tournées vers l'hospitalité, qui dépendent du bon vouloir d'un grand nombre d'acteurs : habitants, entrepreneurs, associations, collectivités territoriales, État, etc. Par ailleurs, un effondrement nerveux (nervous breakdown), l'effondrement d'une digue, l'effondrement de la biodiversité (qui est plutôt une diminution), l'effondrement d'une monnaie (c'est-à-dire sa forte dévaluation) n'ont rien à voir les uns avec les autres, même pas sur l'aspect formel de leur dynamique. Quant à l'effondrement d'un système écologique, personne ne sait bien ce que c'est, même s'il est coutumier de parler des six grandes extinctions d'espèces (qui ne sont pas des écosystèmes, mais des composants de ceux-ci). Même Jared Diamond (auteur de Collapse: How societies choose to fail or succeed, 2005), ne croit pas que des sociétés puissent « s'effondrer » sous la poussée d'un facteur précis, quel qu'il soit, écologique ou autre. La collapsologie n'est pas une science, tout juste une façon de parler, dont les prétendus fondateurs mélangent allègrement philosophie (incertitude), mathématiques (chaos), médecine (épidémies), histoire (déclin), psychologie (deuil) et tout ce qui peut marquer une inflexion ou une variation brusque - une crise, quoi - dans n'importe quel domaine. Ça passe ou ça collapse !


12. Com’ (communication, communicant)

Depuis en trentaine d’année, les spécialistes de la réclame et de la propagande sont devenus des « communicants », et plus récemment, toute prise de parole s’accomplit seulement sur deux registres : la description (ou l’injonction ou l’interrogation ou la réflexion) ET la communication. Comme si la « manière de parler » pouvait être différente de ce dont on parle. Et c’est effectivement ce qu’on apprend aux « communicants » : à parler pour ne rien dire ou pas grand-chose ou à interpréter de la manière la plus banale possible (sans la moindre analyse) des paroles qu’on vide de tout sens (lié à l’action). Le communicant n’a généralement qu’une formation rudimentaire en sciences humaines, ne sait pas manier les statistiques, bien qu’il existe des diplômes de SIC depuis 1975. Diplômes très courus, puisque le « communicant » est devenu un personnage important dans les entreprises et les administrations publiques. En réalité, le « communicant » n’est souvent qu’un pseudo-médiateur entre divers groupes sociaux, faisant généralement abstraction des rapports sociaux et politiques existant entre eux, comme si des individus (atomisés) « communiquaient » en état d’apesanteur ou, plus globalement, soustraits aux lois de la physique. Il n’est pas fortuit que les spécialistes en « développement personnel » soient diplômés en communication ou en psychologie cognitive : tout est dans l’individu.


13. Compliqué (« c’est compliqué »)

Mot-valise (ou plutôt malle, voire container) qui a remplacé, depuis le milieu des années 2010, des termes tels que : difficile, éprouvant, ardu, complexe, harassant, rude, confus, subtil, délicat, obscur, emmêlé, embrouillé, redoutable, ennuyeux, irréalisable, pénible, etc. Aucun mot-valise n’est aussi employé que celui-ci dans la langue française (en 2020). C’est LE mot-clef de la novlangue journalistique, qui s’est répandu dans toute la population. Dire « c’est compliqué » est simpliste : cela évite de réfléchir, car c’est le dernier mot. Bref, c’est compliqué de se passer de « c’est compliqué ».

« C'est compliqué » est une sorte de courrier du cœur moderne dans lequel vous racontez vos histoires – dans toute leur complexité – et où une chroniqueuse vous répond. Cette chroniqueuse, c'est L.B. Elle est journaliste : ni psy, ni médecin, ni gourou. Elle avait simplement envie de parler de vos problèmes. Si vous voulez lui envoyer vos histoires, vous pouvez écrire à cette adresse : xxx. »




14. Confort (zone de confort)

Être dans ou sortir de sa « zone de confort ». Exporté de l'anglais : ‘’Jumping out of an airplane is outside of my comfort zone.’’ (surtout sans parachute) Exemple en français : « Pour grandir il faut sortir un peu de sa zone de confort ». Généralement, cela n’a rien à voir avec le « confort », mais plutôt avec la compétence, l’aisance, l’absence de gêne, la sécurité, etc. Il faut en sortir pour inventer, apprendre, « vivre ses rêves », définir de nouveaux objectifs, trouver sa valeur, etc. Bref, au lieu de rester assis devant sa télé ou se livrer à des routines familiales ou professionnelles, avoir l’audace de mettre un pied dans la rue, et atteindre sa « zone optimale de performance ». La « zone de confort » fait partie des gadgets du « développement personnel ». C'est une manière assez stupide de parler de l'audace ou de la curiosité, qualités qui n'ont rien à voir avec le confort ou l'inconfort. Question : est-ce que le « binge drinking » (beuverie express) fait sortir de sa zone de confort ou y entrer ?


15. Connecté (montre)

Tag Heuer Connected, 1400 €. « Une montre connectée qui ne ressemble pas à une montre connectée ; Je l’ai portée pendant trois mois, personne n’a deviné qu’elle était intelligente grâce à la reproduction de cadrans simples à trois aiguilles », déclare Jean-Claude Biver, président de la division Montres du Groupe LVMH, dans Paris-Match, avril 2016. Oui, mais elle n’est pas compatible avec iOS. A fuir pour les Mac-ivores.

Breitling Exospace B55, 8040 €. « Une montre Swiss Made qui ne va pas compter vos pas, tout au long de la journée ou calculer le nombre de calories brûlées en temps réel, mais qui sera utile dans un cockpit puisqu’elle est capable de mémoriser en détail jusqu’à vingt vols », explique Jean-Paul Girardin, vice-président de Breitling. Elle a quand même un gros défaut, dit Hervé Borne, de Paris-Match : « l’absence de balise de détresse miniaturisée. » Rédhibitoire !


16. Connecté (soi-même au monde entier)

Être ou ne pas être connecté, telle est la question ! Être connecté c’est vivre dans le monde des transhumains, car c’est être en relation autant avec des robots qu’avec des humains. La distinction est si faible que beaucoup de sites « sensibles » (dont les banques et autres services de transfert de monnaie), nous demandent de prouver que nous ne sommes pas des robots. Quand je suis déconnecté, j’ai l’impression de ne plus vivre dans le monde présent... à moins que j’aie le sentiment de retourner au monde présent. Mais bien avant le règne de la connectique, on pouvait déjà « péter les plombs », « péter un câble », « disjoncter » comme tout bon appareil électrique. La disjonction était une déconnexion d’un genre très simple : le circuit était établi ou interrompu. Tandis qu’avec la connexion, ce sont des mondes qui s’ouvrent et qui se ferment ; c’est pourquoi on ne doit jamais déconnecter, sous peine de ne « plus être au courant » de rien. « Sans déc’ ». Cela fait penser à une autre injonction : « soyons fous ! », pour décrire de très petites dérogations aux habitudes, alimentaires ou autres.


17. Conseiller

Il n’y a plus d’employé de bureau, d’agent, de préposé, etc. Il n’y a plus que des conseillers (et dans un autre registre, les caissières ont été remplacées par des « hôtesses de caisse » ; et les femmes de ménage ont failli devenir des « techniciennes de surface », mais là c’était un peu gros et ça n’a pas marché). De même que dans les chaînes de télé ou de radio, il n’y a plus de journalistes, mais des « experts » et des « éditorialistes ». De même que n’importe qui écrivant autre chose que des romans et nouvelles devient un « essayiste ». Mais, par un étrange archaïsme, on continue à dire « facteur » pour le conseiller en distribution de courrier à domicile.

Ce n’est pas qu’en France : « Mais dans cette ville où on appelait ingénieur sanitaire un éboueur et conseillère en sexualité une prostituée, Jerome Mc Kennon était en fait vice-président et directeur des ventes d’une compagnie dont le personnel, direction comprise, d’élevait en tout et pour tout à deux personnes. » Ed McBain, Poison, in Nouvelles du 87e district, Presses de la Cité, 1994, p. 610.


18. Consultant

C’est un peu la même inflation verbale que pour le « conseiller ». D’ailleurs les consultants soit sont indépendants soit travaillent dans une société de « conseil ». Celles-ci sont en tout genre : informatique, management, financier. Le consultant est supposé en savoir plus que les membres d’une entreprise ou d’une administration, dans un domaine plus ou moins étendu. Il présente deux avantages : il remplit des missions à durée limitée ; il n’est pas en compétition avec les cadres dirigeants d’un secteur de l’entreprise. Moyennant quoi, il est le plus souvent au service de son commanditaire et cherche à lui faire plaisir, d’une manière plutôt routinière, en fermant les yeux sur les véritables dysfonctionnements ou l’ambiance parfois désastreuse de l’organisme qu’il conseille. Il est bien possible que le terme dérive des « consultations » médicales ou d’avocat, professions qui exigent une véritable expertise, et sont sanctionnées par des diplômes. Alors que n’importe qui peut se dire « consultant ». On a vu récemment comment des consultants de McKinsey ont, à prix d’or, donné des conseils assez médiocres au ministère de la Santé. Et pour cause : ils disposent de grilles d’analyse standard et de préconisations préfabriquées, qu’ils appliquent avec la même indistinction à des entreprises et des administrations dans le monde entier. Si on ajoute que certains des anciens élèves des grandes écoles (inspecteurs des finances, ingénieurs du corps des mines) naviguent entre ces cabinets de consultants, des grandes entreprises et des cabinets ministériels, on comprend mieux pourquoi les uns font appel aux autres.


19. Consommation (société de)

Existe-t-elle ? La question paraît saugrenue, tant il est évident que chaque individu dans nos sociétés dites de consommation est poussé, sans cesse, à consommer des produits et services matériels et culturels (comme si ceux-ci n’étaient pas matériels). Oui, mais qu’est-ce que consommer ? C’est se procurer un bien de consommation, c’est-à-dire quelque chose qu’on va acheter et que, par suite, on peut comptabiliser. Parle-t-on de consommation de l’air ? De celle de l’eau de pluie ? De celle des rayons solaires ? De la vue de beaux paysages ? De l’amitié ? De la haine ? On va mesurer le nombre de livres achetés, et même par catégories, par lieux, par types de lecteurs, etc. Cela ne nous dit rien sur leur consommation réelle, comprise comme « ingestion » et « digestion » de ces produits de consommation. Bref, en dehors de l’achat/vente de « consommables » on ne sait rien sur la consommation. Ce que l’on sait (ou croit savoir) est la quantité de produits de consommation gaspillés : 30% de la nourriture finit à la poubelle. Les dates de péremptions, qu’il est souvent sans danger de dépasser, y jouent un rôle certain. Le sur-achat aussi. On sait également que la durée de vie de produits électriques ou électroniques est volontairement écourtée : téléphones mobiles, imprimantes, ordinateurs, ampoules électriques. De ce fait, on pourrait plutôt dire qu’on vit dans une société de non-consommation, puisqu’on jette beaucoup de choses avant l’usage complet ou, tout simplement, qu’on ne les consomme pas : vêtements qu’on ne porte qu’une fois, jouets non déballés, livres à peine ouverts, outillage qui reste dans son emballage, etc., sans parler de tous les emballages, justement, totalement superflus et qui augmentent le prix et le volume d'un produit. Exemple : les Thés Lu