Lettre E
1. Écologie
Sans doute un des mots les plus mal utilisés de la langue française (et probablement dans d'autres langues). L'écologie est la science des relations entre un organisme et son milieu. En réalité « des » organismes et de « leurs » milieux, car cela n'existe pas au singulier. C'est devenu l'équivalent de l'environnement, c’est-à-dire de ce qui entoure quelque chose, son milieu. La science du milieu n’a aucune existence puisqu’un milieu n’a de sens que par rapport à un individu ou une population. Par malheur les « écologistes » se sont emparés du terme « écologie » ; ils font de l’écologie lorsqu’ils proposent d’assainir les sols, l’air, l’eau, etc. Les mêmes veulent « sauver la planète » ou « faire un geste pour la planète » sans préciser de quel(s) milieu(x) ils parlent. On ne peut rien « faire » pour la planète, puisque celle-ci est un ensemble d’organisme-et-milieux, et il faut préciser ce que l’on veut sauver SUR ou DANS la planète. Car la planète elle-même, cet amas minéral, principalement composé de fer, d’oxygène, de silicium et d’un peu de calcium, de soufre et d’aluminium, n’est pas affectée par nos divers abus. La croûte (ou écorce) peut être légèrement modifiée mais on voit mal comment les silicates dont elle est principalement composée pourraient être détruits ou modifiés. Quand on parle de « sauver la planète » on parle en réalité de protéger la biosphère, principalement de ce qui pourrait altérer des conditions de vie des grands végétaux et animaux (« grand » commençant avec un puceron ou une graine d’orchidée), alors que les micro-organismes, vu leur immense variété (il n’y a même que des variétés, pas des espèces au sens habituel du terme), résisteront à tout mode de destruction. En fin de compte « agir pour la planète » n’est rien d’autre et rien de plus que détériorer un peu moins nos conditions de vie, voire de les améliorer.
2. Écosystème (d’entreprise)
Un écosystème est un ensemble, aux contours plus ou moins définis, de populations vivantes et des interactions avec leurs milieux. Plus savamment : « complexe dynamique composé de plantes, d’animaux, de micro-organismes et de la nature morte environnante agissant en interaction en tant qu’unité fonctionnelle. » (CNRS) Ainsi conçu, il en existe autant de sortes qu’on veut, d’une mare, ou un jardin potager, à l’ensemble de la biosphère.
Parler d’écosystème d’entreprise est soit une rêverie soit une tromperie. Cela suppose un équilibre dynamique entre composants, dans un univers de décisions et d’actions où les productions sont prises harmonieusement, au bénéfice de tous. Ce cas est plutôt rare, car les intérêts entre producteurs, actionnaires, clients, fournisseurs, régulateurs (autorités publiques concernées) ne sont presque jamais convergents. Le seul point commun est la croyance en la nécessité d’une croissance illimitée – précisément ce qu’aucun écosystème ne réalise.
3. « Éléments de langage »
A remplacé : manières de parler, expressions toutes faites, etc. Le mot « langage » est un mot savant : langage mathématique, langage corporel, langage informatique, langage des sourds, langage des abeilles, langage des fleurs, etc. Il n’existe pas de langage en général, aussi parler d’élément de langage sans préciser de quel langage il s’agit est vide de sens. En fait, il s’agit toujours de phrases ou d’expressions toutes faites, qui dispensent de toute réflexion à propos du sujet traité. Par exemple, on est « éthique et responsable », une voiture est « suréquipée », tout présentateur de télévision doit marteler « restez avec nous » avant une « page publicité (ou « courte pause »). « Éléments de langage » permet d’habiller des phrases creuses en expressions d’une pensée méditée. « éléments de langage » est un élément de langage.
4. « Empowerment » (augmentation du pouvoir)
Se dit, en français, « autonomisation », pour qualifier des conduites où on conteste le pouvoir exercé de haut en bas, où on cultive l’esprit « critique » (sans avoir la moindre idée de ce qu’est une pensée « critique »). C’est encore une importation pour « faire riche » et un avatar des méthodes managériales qui ont commencé à fleurir début des années 1980 : cercles de qualité, management par projet, déhiérarchisation, etc. En négligeant ou ignorant qu’il existait déjà de sociétés coopératives, des associations, etc.
5. Empathie
Autrefois (avant 2010) on parlait de sympathie, d’amitié, de compréhension, de compassion, de sollicitude, de bienveillance, d’amabilité, etc. A présent, c’est l’empathie, sinon rien. Être empathique c’est se mettre à la place d’un ou des autres. Ou bien c’est vrai : on est réellement à la place d’un autre, dans diverses circonstances, mais cela ne signifie pas qu’on sent les choses comme lui, car on n’a pas la même histoire. « Tu as perdu ton père ? Comme je te comprends ! » A ceci près qu’il n’existe pas deux histoires semblables : configuration familiale, milieu social, usage de la langue, apprentissage émotionnel, etc. sculptent des modes de conduite qui peuvent être fort variés. L’empathie est une sorte de colle à usages multiples et à l’efficacité réduite.
6. Environnement
L’environnement c’est ce qui environne, ce qui est autour ou alentour. Dans l’usage actuel du terme c’est ce qui est autour des humains. Ce qui, à strictement parler, ne veut rien dire, car cela inclut tout ce que les humains ont bâti ou aménagé au fil des millénaires. Il n’existe pas d’environnement en général mais des environnements de tel ou tel corps, physique, vivant, social, institutionnel. Toute chose est « l’environnement » d’autres choses. Il serait plus judicieux de parler de l’habitat (ce qu’on fait quand on parle des animaux). Protéger l‘habitat a un sens, car c’est l’habitat de quelqu’un ; protéger l’environnement ne veut rien dire car il n’y a pas d’environnement en général. C’est à peu près aussi inepte que de « sauver la planète », sauf au cas où des extra-terrestres parvenaient à nous lancer des projectiles qui parviendraient à faire exploser le noyau de la Terre, ou à vitrifier entièrement sa surface à l’aide de milliers (ou dizaines de milliers, on ne sait) de bombes H, bien réparties. Et même en ce cas, certaines formes de vie subsisteraient. En revanche, on pourrait parler de protection de la biosphère : agir en sorte que les grands équilibres au sein du monde vivant, et les équilibres entre lithosphère (sols et sous-sols), atmosphère, océanosphère soient protégés, sous peine de rétroaction positive, c’est-à-dire de catastrophes sans précédent.