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Lettre J

1. Jus (parfums)

Paris Match, Publié le 26/04/2016, Carole Paufique. « Des matières rares et précieuses, des notes singulières, des partis pris audacieux… Avec ses collections privées très exclusives, la haute parfumerie tisse de somptueux sillages. Et ça sent beau ! Difficile de ne pas respirer cette odeur de luxe qui flotte dans le paysage olfactif. Pas une grande maison de parfum qui ne lance sa collection d’essences rares et pures, en éditions limitées. Et quand les griffes dévoilent leurs compositions exclusives, c’est toujours la même secousse esthétique : les blasés s’extasient, les amateurs éclairés crient à la révélation et les déçus renouent avec le parfum. Des sillages hors normes, des partis pris affirmés, de quoi réjouir nos narines asphyxiées par les effluves gourmands – six lancements sur sept – ou pincés face à un marché saturé de jus qui se ressemblent tous. « La profusion de lancements – 1 350 par an dans le monde, contre 350 il y a vingt ans – a désorienté les consommateurs, nous devions réagir à ces excès », reconnaît Sandrine Groslier, présidente de Clarins Fragrance Group. A force d’être mis à la diète olfactive ou au régime sucré, le public se lasse et regimbe en désertant les linéaires pour se toquer des jus premium des labels confidentiels, ces résistants de la première heure. Il veut respirer un autre air. « Les gens ne souhaitent pas sentir la même chose que leurs voisins », pointe Romano Ricci, créateur de Juliette Has a Gun. Armani, Dior, Chanel, Guerlain ou Hermès ouvrent alors le bal avec des collections vertueuses qui renouent avec les grands sillages. Ici, pas de tintamarre publicitaire, d’égérie tonitruante ou de notes tapageuses, mais des jus qui sortent du rang grâce à des ingrédients d’exception en surdosage et à des accords transfigurés qui bousculent. Et ça cartonne. Malgré un prix très élevé, ces collections élitistes font chavirer. « On s’adresse aux esthètes mais aussi à des amateurs non éduqués et à tous les curieux qui souhaitent se distinguer de la banalisation », souligne Sandrine Groslier. Les marques se donnent pour mission d’éduquer à la qualité et de transmettre le goût du beau. Initier aux belles matières, peut-être. Réenchanter un public déçu, certainement. Force est de reconnaître que le monde du parfum opère une montée en gamme, osant même le déicide, celui des toutes-puissantes lois marketing. D’abord parce que ces créations ne sont pas testées avant d’être commercialisées. « A force de vouloir plaire au plus grand nombre, on en arrive à des notes consensuelles, reconnaît Eva Erdmann, directrice marketing international YSL Beauté. Pourtant, l’exercice n’est pas rentable. Romano Ricci confesse sacrifier ses marges sur sa Luxury Collection. La collection premium permet de s’affranchir de ce concept car l’objectif n’est pas d’engranger du chiffre d’affaires, mais d’afficher de vraies convictions et d’être prêt à déplaire avec des associations dissonantes. » Un comble pour des marketeurs formés à séduire. « Sortir de notre zone de confort nous fait beaucoup de bien », avoue Eva Erdmann. La prise de risque à la place de la logique commerciale. Voilà qui change tout. Un simple retour aux sources de la grande parfumerie, en somme. Avec un prix à la hauteur de cette excellence. Mais, pour une fois, bien que la rareté des matières et de la distribution fasse grimper l’addition, les marques ne comptent pas. Le prix n’intervient qu’à la fin. Pourtant, l’exercice n’est pas rentable. Romano Ricci confesse sacrifier ses marges sur sa Luxury Collection. De son côté, pour sa ligne Section d’or, Serge Lutens a choisi de « lisser les tarifs alors que la valeur de certains parfums était nettement supérieure au prix affiché, allant parfois du simple au double », pointe le créateur. En réalité, c’est une tout autre rentabilité qui se joue : un inestimable gain d’image et de prestige. « Bien plus que la publicité, la collection exclusive offre une incroyable opportunité de communication », reconnaît Eva Erdmann. Jackpot statutaire pour la griffe, jubilation olfactive pour le consommateur, tout le monde s’y retrouve. Et le phénomène n’est pas près de s’arrêter. Si ces grands jus grisent le public, reste un défi à relever : pérenniser le genre en convertissant les jeunes éduqués aux gourmands fruités. » Où les trouver ? A sillage d’exception, distribution ultra-sélective : quelques rares corners, les flagships, les maisons de couture et toujours sur le site de la marque. » (Toute reproduction interdite). No comment !

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